ven. Mai 23rd, 2025
Spread the love

La République Démocratique du Congo est prise en otage par une caste des politiciens!

Dans mon article du 20 mai 2019[1], je m’étais posé une question ouverte me demandant s’il était possible au président Félix-Antoine Tshisekedi de bâtir un État de droit sur les ruines d’un non-État ? Et j’ajoutais que le défi à relever par le premier président de l’Alternance démocratique était à la mesure de sa taille, au regard des préalables inéluctables dont il fallait tenir compte en amont. Ces préalables sont l’émanation du constat malheureux du déficit de la citoyenneté responsable chez la majorité des congolais, du manque d’une vraie culture politique dans le chef des politiciens congolais, d’une géopolitique mal pensée et mal promue favorisant le régionalisme au profit du patriotisme, le népostisme à outrance (dans les cabinets ministériels, p.ex.), la corruption, etc.

Je reviens aujourd’hui, près de 2 ans après, pour dénoncer les pantalonnades de la politique congolaise. Oui, notre pays, la R.D. Congo, est pris en otage par quelques familles -certains analystes les dénombrent à 300[2]-. Il s’agit de ces familles des acteurs politiques qui se retrouvent dans les principales institutions du pays: Parlement (Assemblée Nationale et Sénat), Gouvernement et Assemblées Provinciales. Un petit exemple que je retrouve dans les analyses du journaliste Christian Bosembe. C’est notamment le cas de l’ex minisitre de l’EPST en cavale, Mr Willy Bakonga, qui avait gagné son siège de député national et un autre de député provincial, lequel l’avait conduit à être élu au second degré comme sénateur, et plus tard il est nommé ministre de l’EPST au gouvernement Ilukamba, récemment déchu. Par une magie de fée, la famille Bakonga est aux affaires : sa femme, étant sa suppléante, l’a remplacé à l’Assemblée nationale, tandis que son petit frère l’a remplacé au Sénat.

En effet, cette aventure ‘’indécente’’ est pratiquée malheureusement et couramment par la plupart d’acteurs politiques, faisant des institutions de la République le théâtre des personnes sans mandat du peuple, sans compétence ni culture politique. Ils sont comptés par dizaines parmi ces cas de figure. Devant le silence coupable de leurs électeurs et de toute la nation, ces compatriotes rusés ne font qu’asphyxier un pays déjà à l’agonie économiquement, ruinant tous les espoirs des lendemains meilleurs.

Constatons ensemble cette mésaventure et demandons jusqu’à quel point le pays est pris en otage par des gens qui font de la politique un business familial, et de la R.D. Congo un patrimoine privé non négociable des quelques familles dont les individus se font appeler ”excellence” alors qu’ils n’ont rien d’excellence que leurs vestes et leurs 4×4. Ces ‘’papa social’’ et ‘’maman social’’, faussement appelés ‘’honorables’’, pataugent dans une pétaudière appelée parlement ou gouvernement, protégés par des lois dont ils sont auteurs, au mépris de la souveraineté du peuple qui, par duperie politique, leur aurait donné ses votes., en échange avec des polos et des pagnes. Parce que le lucre c’est leur unique credo et l’enrichissement sans cause leur principal idéal politique, ils édictent des lois contradictoires, partisanes et parfois injustes…

Ne faudrait-il pas penser à la moralisation de la vie politique en R.D. Congo afin que tous arrivent à la compréhension de la politique comme “lieu du don de soi à la communauté”. Que l’on arrive donc à réussir ce passage souhaité de “la logique du don” à “l’éthique du don” afin de fonder de manière hétérogène une communauté politique, un peu plus différente des tendances réductionnistes utilitaristes et consuméristes. L’on devrait davantage articuler toute l’action publique de la communauté et de la société autour du lien social ou pacte social qui génère un véritable et prometteur rendez-vous du donné et du recevoir.

Revenant à ma thèse du départ sur les conditions de possibilité de réfondation d’un État de droit, je vois mal comment, sans une réelle prise de conscience et un pragmatisme approprié pour faire bouger les lignes, en revisitant l’arsenal juridique congolais afin d’en extirper des lois injustes et partisanes, et, en outre, faire appliquer la justice équitable et dissuasive (une justice indépendante), on pourrait sortir du bourbier. Des millions des congolais et congolaises attendent de leur Chef de l’État, Mr Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, des signaux fort dans ce sens. Avec courage et détermination, après l’éviction de la kabilie, rien ne sert de s’en dormir sur le laurier car le venin du système kabilo-compatible, de triste mémoire, circule encore dans l’écosystème politique congolais. Et les chants de sirènes des démiurges du non-État et des fossoyeurs de la République, sans se lasser, ne feront que retentir dans une oraison funèbre en hommage à leurs victimes d’hier et d’aujourd’hui.

Eu égard à ce qui précède, j’évoque ici la réflexion du philosophe et analyste Mbelu Jean-Pierre dans son magnifique ouvrage: Demain après Kabila: Remettre les cerveaux à l’endroit. Reconquérir notre dignité et nos terres. Réinventer le Congo-Kinshasa (Congo Lobi Lelo, 2018). L’analyse, en homme averti, comme l’oiseau de Minerve, pose des bases d’une ”réinvention/refondation du Congo” en demandant s’il y a eu ”de sérieuses pensées élaborées sur l’après Kabila”. Alors que Jean-Pierre pense la politique comme ”l’art de participer à l’édification de la cité” (p. 109ss.), il conseille aux congolais éveillés de ”poser de questions qui fâchent” (p. 113ss.) afin de redorer le blason terni du destin commun en berne, de ”constituer un contre-pouvoir efficace contre la perpétuation des guerres secrètes” (p. 119 ss.), ”d’organiser des solidarités résistantes” (p. 135ss.) et de ”réaliser une bonne révolution” (p. 141), car ”dire non ne suffit plus” (p. 125ss.). Et de conclure, il lance un appel vibrant comme défi aux intellectuels ”organiques” et structurants” (p. 147ss.) dont le peuple congolais, tant meurtri, attend beaucoup. Ce livre, évidemment, est un véritable cri d’alarme que Jean-Pierre Mbelu, pertinent analyste, lance au nom du peuple congolais, car, il s’agit, repète-t-il souvent, de ”likambo ya mabele” (une affaire de notre terre, de notre mère patrie).

Ainsi donc, pour la cause du Congo, non enim possumus non loqui (en effet, nous ne pouvons pas ne pas parler).

Il est temps de travailler pour que de la cendre du non-État généré par le Régime de prédation pendant deux décennies, puisse renaître un véritable État de droit (“Rule of law’’ en anglais) comme système institutionnel dans lequel la puissance publique est soumise au droit, fondé sur le principe essentiel du respect des normes juridiques (ou ‘’primauté du droit’’), chacun étant soumis au même droit, que ce soit l’individu ou bien la puissance publique. Il faut oser, car ‘’le tigre ne proclame pas sa tigritude, il bondit sur sur sa proie et la dévore’’ (Wolé Sonyika). Prenons donc un plus bel élan, pour bâtir un pays plus beau qu’avant, comme nous le chantons souverainement.

Madrid, le 23 avril 2021

François TSHIONYI KAZADI

Analyste indépendant


[1] https://fr-tshionyi-lamerveille1.com/la-verite-de-mes-mensonges-les-lamentations-de-mr-lambert-mende/

[2] Link: https://www.youtube.com/watch?v=6v4RLgJ1Om4. Congo Buzz Tv. Critik Infoss 23.04.21. Scandale au sénat: les Bakonga s’entretuent.


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Résoudre : *
21 × 25 =