Introduction
Le sexe est le signe originel du don créateur, comme l’indique Jean-Paul II dans la catéchèse 14, §§ 4 et 6[1] du 09 janvier 1980 en établissant qu’il existe une relation intrinsèque entre la personne et le sexe (Cat.14, 3). Ainsi le sexe définit l’identité personnelle et concrète des êtres humains[2]. Dès lors, la sexualité est pour le pape polonais une expression de la masculinité-féminité – c’est-à-dire le sexe – comme manifestation originelle de la donation créatrice, d’une prise de conscience de la part de l’être humain – homme-femme – d’un don vécu pour ainsi dire de manière originelle. Telle est la signification par laquelle le sexe entre dans la théologie du corps. Nous abordons ce thème de la sexualité dans cet article porté par le noble souci de former et d’eduquer nos contemporains en leur donnant la vraie signification de l’homme et de sa vie sexuelle que saint Jean-Paul II, au regard de la révélation biblique du livre de la Genèse, met à la portée du public en ce temps de pansexualisme aliénant.
- Nouvelle vision du corps, nouvelle vision de la sexualité
Jean-Paul II a développé toute une longue série des catéchèses sur l’amour humain. En quoi son approche de la sexualité est-elle nouvelle? La grande idée qu’il nous livre est que « le caractère sponsal du corps est l’incarnation de la capacité de la personne à aimer comme don de soi »[3].
En effet, c’est par la catégorie de ‘’sponsalité’’que nous pouvons caractériser synthétiquement l’éthique sexuelle de Jean-Paul II. La sponsalité est la capacité au don de soi à l’autre. Ceci signifie que l’homme est essentiellement créé pour faire don de son être à l’autre et réciproquement. Et cette expression du don passe par le corps humain, voulu sexué par le Créateur. Ainsi donc, le corps a un langage, une grammaire dont nous devons décortiquer les significations. Et saint Jean-Paul II nous habitue à parler du langage du corps, de signification sponsale du corps, etc.
Etant donné la masculinité et la féminité qui constituent naturellement l’être humain, le corps humain sexué est sponsal en ce qu’il exprime le mystère intime de la personne, appelée à actualiser la communion de l’‘’uni-dualité originaire’’ grâce au don réciproque, dans lequel l’union des époux s’ouvre dans la personne de l’enfant qui naît à la communion familiale. Ainsi Jean-Paul II parle-t-il de l’’’expérience sponsale originaire’’ à partir de la rencontre homme-femme comme de la première et fondamentale ‘’révélation’’ pour chaque sujet humain sur sa propre identité et son propre éthos[4].
Aussi faut-il souligne, l’histoire du salut, dont la plénitude est le Christ, est inscrite dans la divine Révélation comme événement sublime d’Amour sponsal, source du plus élevé éthos humain, l’’’éthos évangélique de la grâce’’. L’éthique sexuelle de Jean-Paul II est sponsale avant tout parce qu’elle est née de l’amour inscrit dans le projet Créateur à l’origine dans la signification de communion conjugale à laquelle s’ordonne le corps et surgit ultérieurement de la charité sponsale du Christ, qui rétablit et purifie la communion première. D’où l’éthique sponsale de Jean-Paul II aide à découvrir en toute sa profondeur la vérité et la beauté de l’amour sponsal humain dans le plan divin de l’histoire du salut: la vérité de l’amour beau[5].
Autrement dit, Jean-Paul II nous invite à considérer la sexualité humaine d’un point de vue complètement différent, à partir de la vocation des personnes à la communion, sur le modèle de la communion des personnes divines. Aux origines, selon le plan de Dieu, les époux étaient appelés par leur sexualité à se faire don total de leurs personnes dans une communion des âmes, des cœurs et des corps, et devenir ainsi une icône vivante de la communion des personnes divines dans la Trinité. Ils étaient image de Dieu, non seulement par leur âme spirituelle, mais également par leur capacité de communion exprimée sexuellement par le don des corps. D’où, souligne le pape polonais, le don sexuel des époux, vécu véritablement comme don, est une œuvre de sainteté: la sainteté propre aux époux, en vertu de leur vocation dans le mariage[6].
C’est pourquoi, en matière de sexualité, Jean-Paul II propose une vraie révolution, au sens étymologique, c’est-à-dire un renversement de perspective. On a connu la ‘’révolution copernicienne’’ en astronomie, « je suis convaincu, ose affirmer Yves Semen, que l’on ne tardera pas à parler de révolution wojtylienne en matière sexuelle! L’enseignement de Jean-Paul II dans sa théologie du corps constitue ainsi un apport décisif qui place l’Eglise à la pointe du discours actuel sur l’Homme et atteste en plénitude de son expertise en humanité »[7]. Abondant dans le même sens, Christopher West affirme que les enseignements de Jean-Paul II ont le pouvoir de déclencher une véritable révolution sexuelle[8]. « La théologie du corps sera probablement regardée comme un tournant, non seulement de la théologie catholique, mais aussi de l’histoire de la pensée moderne », a déclaré G. Weigel[9].
En quoi consiste clairement cette révolution? En effet, la révolution consiste en la présentation de la morale de l’Eglise non pas en termes de permis/défendu, mais à partir d’une réflexion sur la personne. Jean-Paul II fait une interprétation nouvelle de Kant, de style personnaliste: ne pas se servir d’autrui, ne pas l’utiliser. Aimer une personne signifie d’abord se donner à elle. Goûter le plaisir sexuel sans traiter pour autant la personne comme objet de jouissance, voilà le fond du problème moral sexuel. La théologie du corps vient révéler ce que Dieu lui-même avait comme intention en créant l’homme et la femme avec un corps sexué, et en inscrivant au fond de leur cœur un indéfectible appel à la communion. Avec Jean-Paul II, l’Eglise affirme le sens de la sexualité humaine dans la lumière la plus haute de la révélation: elle devient une ‘’sexualité révélée’’[10].
En d’autres termes, la révolution qu’opère la théologie du corps est de montrer pourquoi Dieu nous a créés sexués – c’est-à-dire de deux sexes différents – et comment notre corps est un langage à la fois charnel et spirituel. C’est l’enseignement le plus travaillé et le plus spirituel sur ce sujet de la part d’un pape. Il complète, redisons-le, l’encyclique Humanae vitae du pape Paul VI (1968), en développant une argumentation anthropologique et philosophique qui manquait. Il n’est pas anodin que le pape Jean-Paul II ait choisi le genre de la catéchèse, qui est moins autoritaire qu’une encyclique, en faisant appel à la réflexion des fidèles. Le génie de sa théologie est d’offrir, à partir de l’Écriture Sainte (livre de la Genèse, Cantique des cantiques, le chapitre 5 de l’Épître aux Éphésiens, etc.), un regard positif et sensé sur le corps et la sexualité, à l’opposé du mépris en vogue à d’autres époques de l’Église. Sa lecture originelle et originale met en parallèle le lien qui unit l’homme et la femme avec l’alliance entre Dieu et l’humanité[11].
2. Sexualité et sainteté
Quel regard porter sur sexualité et sainteté ? Avec Jean-Paul II, ce que l’on osait croire à peine devient une évidence: ces deux dimensions de la vie humaine et chrétienne sont définitivement associées. La sexualité est d’essence divine ; elle n’est pas un reste de notre animalité. C’est peut-être là ce que l’on appellera ‘’la révolution wojtylienne’’, qui sera à la sexualité ce que la révolution copernicienne a été à l’astronomie: un retournement complet de perspective. Avec la révélation du plan de Dieu sur la sexualité humaine, toutes les tentations du manichéisme que l’Eglise a toujours peiné à extirper de son sein sont définitivement vaincues. La sexualité n’est pas à inventer, elle est révélée. C’est la communion des Personnes divines qui est la source et le modèle de sexualité, non les déterminismes de l’instinct[12].
En somme, il s’avère plus tragique et paradoxal de voir que dans une société où l’on parle plus d’amour et de sexualité, nous sommes en train de vivre une inflation sexuelle qui, à l’instar de l’inflation économique, entraîne une dévaluation et une dépréciation du sexe même. La racine la plus profonde de cette expérience de déliquescence morale se plonge dans le fait qu’une sexualité qui n’incarne ni n’exprime un véritable amour, cesse d’être une sexualité humaine, et ne peut en rien satisfaire le désir le plus profond de la personne, qui est moins celui d’obtenir le plaisir que celui d’aimer en vérité et librement et d’être aimé. C’est de la déshumanisation que d’utiliser une personne aux fins de satisfaire sa tension sexuelle, de telle sorte que l’autre devient un objet de plaisir. Et là, il n’y a pas de rencontre personnelle. On choisit un objet pour sa satisfaction égoïste, mais bien au-delà, on n’aime pas la personne dans sa singularité en tant que mystère. Dès lors, le sexe-objet, subit la même loi que tous les objets utilisables, dont on use et que l’on jette après usage.
Subséquemment, c’est le spectacle de la promiscuité, surtout juvénile, qui inquiète et paralyse la société. On arrive à changer de partenaire à souhait, on multiplie des expériences et d’exploits en ce sens, car on demeure toujours insatisfait. Tout cela a engendré des comportements exhibitionnistes qui versent dans la pornographie qui est la recherche du plaisir individuel inavoué, sans sélectionner une personne concrète comme objet de plaisir. Tout cela peut être exalté comme expression de la liberté sexuelle ou le dépassement des vieux tabous. Ça pourrait être favorable aux campagnes déterminées d’orientation sexuelle qu’on transmet aux nouvelles générations. Mais, en réalité, c’est une régression grave. Dès lors, un protagoniste d’une déferlante conduite de régression morale ne peut prétendre, néanmoins, être progressiste. Ce qui est plus important pour notre société, c’est d’apprendre à aimer en vérité, afin de jouir du sexe de manière satisfaisante et humaine.
C’est donc en vivant ‘’avec amour’’ et ‘’dans les occupations de chaque jour’’ que les chrétiens sont appelés à la sainteté, quelle que soit leur condition. La vie chrétienne n’est pas ‘’un idéal impossible à atteindre’’, nous rassure le pape François dont l’objectif, comme il le décrit lui-même, c’est de faire résonner une fois de plus l’appel à la sainteté, en essayant de l’insérer dans le contexte actuel, avec ses risques, ses défis et ses opportunités. En effet, le Seigneur a élu chacun d’entre nous pour que nous soyons ‘’saints et immaculés en sa présence, dans l’amour’’ (Ep 1, 4).[13]
Conclusion
A la suite de cette analyse qui traduit en termes clairs la signification adéquate de la sexualité vue dans une perspective purement théologique par Jean-Paul II — à travers un cadre anthropologique — alors que Paul VI dans Humanae Vitae adoptait une approche de nature plutôt philosophique, fondée sur l’exigence de respect de la loi naturelle[14], l’écart s’impose par rapport à l’approche impersonnelle de la sexualité que présente la nouvelle éthique mondiale. Paradoxalement, cette dernière s’explique « à partir de l’instinct de domination mondiale et du déni de l’altérité partagés par les oligarques et les ploutocrates » de la Gouvernance mondiale. Par contre, ainsi que l’affirme Yves Semen: « Il s’agit moins pour Jean-Paul II d’énoncer ce que sont les fins de la nature en matière de sexualité que de s’interroger sur ce qu’était le plan de Dieu dans la création de l’homme et de la femme comme des êtres sexués, ce caractère sexué étant la marque de leur vocation à la communion »[15]. Si tel est l’apport du pape polonais à la sexualité à travers sa théologie du corps, comment son enseignement peut-il être bien reçu et mis en pratique dans les différentes sociétés du monde, notamment en Afrique? Voilà l’œuvre à laquelle nous nous engageons comme théologien et porteur d’une parole de réconfort et d’espérance à l’Afrique et au monde.
François Tshionyi Kazadi
[1] Lire aussi les catéchèses 15, 1.3 du 16 janvier 1980; 17,5-6 du 30 janvier 1980 ; 20,3-4 du 05 mars 1980.
[2] Cf. Cat. 20, 5 et en parallèle lire : Cats. 21,1-2 ; 23,5 ; 25,2; 28,1.4 ; 29,2.4; 30,5 ; 31,5 ; 32,5 ; 36,3 ; 40,3 ; 41,4 ; 44,5 ; 45,23.5; 48,3 ; 62,3 ; 69,5 ; 74,4 ; 77,6 ; 109,4 ; 110,7.
[3] Mgr D. Rey, Préface au livre de Yves Semen, La sexualité selon Jean-Paul II (Presse de la Renaissance, Paris, 2004) 11.
[4] Cf. J. M. Granados, La ética esponsal de Juan Pablo II. Estudio de los fundamentos de la moral de la sexualidad en las catequistas sobre la teología del cuerpo (Publicaciones de la Facultad de Teología ‘’San Damaso’’, Madrid 2006) 474; citant Gratissimam sane, 20.
[5] Cf. Ibid., 474-475.
[6] Y. Semen, « Jean-Paul II: Sexe sans tabou », dans: http://www.boulaur.org/abbaye-cistercienne-sainte-marie-de-boulaur/images (2014). Consulté 03 Mai 2016.
[7] Ibid.
[8] Cf. C. West, Une nouvelle révolution sexuelle (Editions de l’Emmanuel, Paris 2014).
[9] G. Weigel, Jean-Paul II, témoin de l’espérance (J.-C. LATTÈS, 1999).
[10] Cf. A. DE Villele, Présentation du livre de Yves Semen, La sexualité selon Jean-Paul II (Presses de la Renaissance, Paris 2004).
[11] Cf. P. Marsset, « La théologie du corps » https://www.paris.catholique.fr/la-theologie-du-corps.html.
[12] Cf. A. De Villele, Présentation du livre de Yves Semen, La sexualité selon Jean-Paul II …
[13] François, L’Exhortation apostolique Gaudete et exultate sur l’appel à la sainteté dans le monde actuel du 09 avril 2018. .
[14] Cf. Y. Semen, La spiritualité conjugale selon Jean-Paul II. (Presses de la Renaissance, Paris 2010) 252.
[15] Ibid.
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