Le personnage de saint Jean-Paul II ne cesse d’attirer admiration et respect chez bon nombre de nos contemporains, catholiques et non catholiques. Il y a lieu de nous demander pourquoi cette attention portée à son égard ? Qu’y a-t-il de singulier dans ce pape polonais? Rappelons-nous que son pontificat a été marqué fondamentalement par son intérêt particulier pour l’homme dans toutes ses dimensions. Donc une marque anthropologique et morale lui est reconnue, contrairement au pontificat de Paul VI qui s’est focalisé sur le mystère de l’Eglise, celui de Benoît XVI sur la théologie de l’amour, tandis que celui de François, le souverain pontife actuel, met en relief la « manière de vivre du chrétien sur les pas de Jésus ». C’est pour cette raison que François préconise la conversion pastorale et la sortie missionnaire de l’Eglise aujourd’hui (Cf. Evangelii gaudium, nn. 25-33).
Le ‘’pape de la famille’’ a eu un amour particulier pour la personne humaine. Il s’est évertué à relever la vie morale de ses contemporains, en leur inculquant ce qu’avait affirmé la Constitution pastorale Gaudium et spes sur l’Église dans le monde de ce temps: « le mystère de l’homme ne s’éclaire vraiment que dans la lumière du Verbe incarné » (Gs 22,1). Ainsi a-t-il initié son pontificat avec une encyclique d’anthropologie théologique approfondissant ce mystère de l’homme, Redemptor hominis (le Rédempteur de l’homme). L’ensemble de son ministère pétrinien s‘articule donc en quelque sorte à ce mystère de l’être humain et à ses conséquences dans tous les champs de l’existence concrète des hommes et des femmes de ce temps. C’est bien, osons-nous supposer, sur base de cette clé ultime du mystère de l’homme que Jean-Paul II s’applique à en développer tous les attendus et toutes les conséquences, notamment à travers cette catéchèse systématique développée sur plus de 5 années à l’occasion des audiences générales du mercredi sur la théologie du corps[1].
A la question « qu’est-ce que l’homme? », Jean-Paul II propose que l’on parte de l’expérience de vie même (expérience humaine) qui fait surgir dans l’homme la question de son identité. Pour y répondre, il ne faut pas simplement se limiter, comme d’aucuns estiment, à la capacité qu’a l’homme de s’interroger sur son identité et son destin. Il faut plutôt aller au-delà du seuil de l’existence humaine. Il y a dans l’homme quelque chose de plus antérieur au questionnement sur sa propre vie, souligne Jean-Paul II. C’est l’ouverture à l’admiration et à l’étonnement qui précède la capacité de s’interroger[2].
Evidemment, l’homme est une grande question parce qu’il expérimente sa vie comme un grand mystère, un mystère qui éveille l’étonnement ; et cet étonnement ouvre à la fois un chemin: lequel devient une invitation à pérégriner, à cheminer… Pour savoir jusqu’où et par quels chemins faut-il passer pour s’interroger, s’émerveiller, il convient de réaliser: où l’homme expérimente-t-il l’étonnement ? En quel lieu le mystère de la vie lui est manifesté? La réponse est simple, l’amour est le berceau où naît l’étonnement, l’admiration. La rencontre avec la nature est l’un des lieux d’émerveillement[3].
Cependant, rappelons que l’homme ne peut avoir l’expérience du monde qui l’entoure s’il ne fait pas l’expérience de lui-même ; c’est-à-dire, s’il ne se pose pas la question fondamentale sur le sens de sa propre vie: qui suis-je ?, d’où je viens ?, où je m’en vais ? La vue des sommets de montagne qui éveille l’émerveillement devant la création, apprend également à l’homme sa propre grandeur: il est capable de contempler la beauté et se recréer en elle. Pour cela, l’expérience, lorsqu’elle est véritablement humaine, ne peut se séparer de la réflexion, de la recherche du sens[4].
Oui, devant le mystère, l’homme s’émerveille. Le mystère est entendu comme la grande richesse de la réalité capable d’éveiller l’étonnement: devant le don de la vie, devant un visage de l’être aimé, devant un bel horizon de soleil, devant l’amour des autres, etc.
C’est le désir d’ouvrir à chaque homme le sens profond de son expérience qui a porté Jean-Paul II dans ses réflexions sur l’amour humain. Il y a plusieurs expériences unies à l’amour, à la rencontre entre les personnes, à l’union de l’homme et de la femme. Comment faire que ces expériences soient véritables, qu’elles puissent conduire à bon port ? Comment faire que la barque ne puisse se noyer entre l’espace d’expériences vides ? Afin d’orienter l’homme dans le labyrinthe de ses propres expériences Jean-Paul II a parlé des expériences originelles (celle de la solitude originelle, de l’unité originelle et de la nudité originelle), que nous allons expliquer dans un prochain article[5].
Bref, saint Jean-Paul II invite l’homme à pénétrer au fond de ses propres expériences afin d‘y découvrir le sens. Selon l’indication du Seigneur Jésus qui, dans l’Evangile, renvoie à l’origine, notre auteur retourne à la Genèse afin de décrire ce commencement dans laquelle l’expérience de l’amour s’offre à l’homme dans toute sa grandeur. Jean-Paul II se fait l’interprète et le témoin de l’intention originaire du Créateur le témoin de l’intention originaire du Créateur à travers un enseignement fort authentique, reflet de sa formation et sa passion pour l’homme.
Ce premier article introduit une série d’articles que nous allons publier, dans la suite, pour présenter les grands thèmes de la théologie du corps. C’est bien un travail de vulgarisation de ce riche enseignement encore peu connu ou méconnu du grand public.
Le prochain sujet présentera le premier thème de la théologie du corps, intitulé : ‘’Dès l’origine, le créateur les fit homme et femme’’ (TDC 001-003).
FRANÇOIS TSHIONYI KAZADI
[1] Cf. Jean-Paul II, La théologie du corps: l’amour humain dans le plan divin. Introduction, traduction, index, tables et notes de Yves Semen (Cerf, Paris 2014) 31.
[2] Anderson, C. A., – Granados, J., Llamados al amor. Teología del cuerpo en Juan Pablo II (Monte Carmelo, Burgos 22012) 4.
[3] Cf. Ibid., XXII-XXIII.
[4] Cf. Ibid., 4.
[5] Ibid., 5ss.